Les plus jeunes ne sont pas les seul·es concerné·es par l’éducation aux médias et à l’information. En Gironde, en baie de Somme ou encore en Picardie, des projets d’EMI pour les plus âgé·es fleurissent, mais les initiatives restent rares faute de budget et de volonté politique.
« Ces flots d’informations qui arrivent en masse, ça ne me va plus ». Sur la place Pey-Berland à Bordeaux, ce septuagénaire feuillette le magazine spécialisé Nos chasses migrateurs. Comme d’autres personnes de son âge croisées ce jour-là, Yves consulte Sud-Ouest, Le Monde ou encore Le Canard Enchaîné. Toutefois, il déplore l’abondance d’informations « qui bourrent le crâne ». À la télévision, sur les réseaux sociaux, l’information est partout. Face à ce flux et souvent inaccoutumées aux outils informatiques, les personnes âgées ont du mal à faire le tri entre les actualités. Une étude américaine de 2019, publiée par Science Advances, démontre que les seniors partagent sept fois plus de fake-news sur Facebook que les 14-24 ans.
Alors, pour les aider à déchiffrer les actualités, des initiatives d’Éducation aux médias et à l’information (EMI) fleurissent pour ce public particulier. À Bordeaux, le média Podcastine propose depuis sa création des ateliers pour les seniors. Une des journalistes, Floriane Padoan, intervient auprès d’associations mais aussi d’EHPAD pour sensibiliser le public aux fake-news.
« Avec les seniors, on insiste davantage sur les outils numériques »
Timothée Vinchon, journaliste indépendant et membre de la Caravane des médias
Plus au nord, dans les Hauts-de-France, la Caravane des médias, une initiative portée par l’association Carmen, crée des rencontres impromptues entre journalistes et habitant·es d’un territoire choisi. Pendant une semaine, deux journalistes et un photographe animent des ateliers sur les places de village. Les thématiques abordées sont diverses : décrypter la consommation des médias, écouter les ressentis de chacun·e sur l’actualité ou encore parler des représentations. « Avec les seniors, on insiste davantage sur les outils numériques », précise Timothée Vinchon, journaliste indépendant et membre de la Caravane des médias.
Un outil de débat
Outre l’apprentissage des outils numériques, l’EMI pour les personnes âgées offre avant tout un espace de discussions et de débats. Dans le département de la Somme, le collectif La Friche mène un projet de documentaire participatif avec ses habitant·es. De porte en porte, les journalistes, photographes et vidéastes recueillent la parole des personnes âgées, un public parfois isolé et peu représenté. « Les espaces pour recueillir cette parole n’existent pas ailleurs », confie Flora Beillouin, co-fondatrice de ce collectif d’éducation populaire aux médias. Les seniors rencontré·es se livrent, « parfois sur des sujets très intimes ». « C’était des torrents de paroles », poursuit-elle.
Rares sont les ateliers d’EMI
Devenue peu à peu une mission prioritaire du ministère de la Culture, l’EMI ne s’intéresse en fait que très peu aux seniors. En 2018, le ministère de la Culture déploie six millions d’euros dans un plan d’EMI à l’école. Pourtant, à cette même période, deux tiers des plus de 60 ans confient n’avoir jamais reçu une aide ou une formation pour utiliser les outils numériques. Face aux crises politiques et sociales – attentats, crise climatique ou encore coronavirus – des fonds se débloquent certes, mais « toujours avec un fléchage budgétaire vers la jeunesse », précise Flora Beillouin. De son côté, Jean Berthelot de La Glétais, fondateur de Podcastine, déplore le présupposé selon lequel les jeunes s’informent moins bien que les seniors. « C’est un public à cibler », conclue-t-il, convaincu que l’EMI a un rôle à jouer pour cette tranche d’âge.
Un podcast réalisé par Sofiane Orus-Boudjema @OrusSofiane,
Camille Hurcy @CamilleHurcy
et Janice Bohuon @JaniceBohuon